Extrait des "Trésors cachés des églises de l'Eure" édition OREP

Introduction

Le pays d'Ouche est décidément une terre pleine de surprises. À quatre kilomètres de La Ferrière-sur-Risle et de son retable baroque, l'église Saint-Éloi du Fidelaire a de quoi déconcerter le visiteur. Jadis placée sous le patronage de l'abbaye de Conches, l'édifice étonne par ses dimensions. Il est vrai qu'avec ses trentes hameaux, le village est l'un des plus étendus du département. L'église nous a été présentée par M. Jean-Noël de Crombrugghe, délégué de l'ex-canton de Beaumesnil pour l'AMSE, et habitant de la commune. Très attaché à l'édifice, il nous a notamment fait découvrir, sur les murs extérieurs, un message mystérieux, gravé depuis deux cent cinquante ans. Nous avons complété la visite avec les informations de la base Palissy.

 

UN ÉTONNANT MEMENTO MORI

Memento mori

La visite de l'extérieur peut débuter par la chapelle segneuriale, cette partie carrée de l'édifice ajoutée au XVIe siècle. En examinant la petite porte donnant sur l'ouest de cette chapelle, on découvre un riche décor sculpté, composé de rinceaux, de dauphins, de candélabres et autres motifs typiques de la Renaissance. Ce décor d'une grande finesse était jadis complété par une statue, posée sur une console, à l'abris d'un dais. La statue a aujourd'hui disparu. Seuls sont conservés son support et le dais qui la mettait en valeur.

Sur le mur de la chapelle, des extraits de textes bibliques en français incitent à la méditation. Les passages reproduits ont pour point commun l'évocation de la mortet de la vanité de l'existence terrestre. Ce type de memento mori a été gravé à l'initiative d'un prêtre, Gilles Biard, et date du milieu du XVIIIe siècle. Les citations traduisent les mentalités du temps et le texte gravé reflète une certaine alphabétisation des campagnes. En effet, on a remplacé l'image par l'écrit. En outre, les paroissiens du Fidelaire pouvaient mesurer la fuite du temps grâce au magnifique cadran solaire polychrome orné d'un soleil, installé, par le même Gilles Biard, en 1753. Enfin, les murs sont émaillés de nombreux graffitis assez traditionnels (principalement des croix).

LA CHAPELLE SEIGNEURIALE

La chapelle seigneuriale constitue la partie la plus intéressante de l'église. Le petit maître-autel, typique du XVIIIe siècle, se compose, au centre, d'une statue en bois de la Vierge à l'Enfant, classée Monument historique. De part et d'autre, se trouvent deux statues, dont une de saint Sébastien. Comme sur le maître-autel du choeur, les colonnes sont cannelées. L'autel est surmonté d'un fronton interrompu et d'un pot à feu.

 

Photo1

Sur les stalles, ce personnage étreint une créature non identifiée.

Photo2

Ces deux créatures fabuleuses témoignent de l'imagination des sculpteurs.

Photo3

Un cerf portant un collier et un blason : encore une oeuvre étonnante.

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Deux hommes barbus à queue de poisson. 

Clichés Chantal et Jean-Noël de Crombrugghe

Sur les côtés, se cache un petit trésor : quatre miséricordes du début du XVIe siècle, classés Monuments historiques et placées dans des stalles modernes. Elles proviennent de l'ancienne abbaye royale de Conches. Les sculpteurs ont fait preuve de fantaisie en représentant deux hommes barbus ainsi que deux êtres non identifiables à plumes et à ailes de chauve-souris, un cerf portant un collier et un bouclier orné de trois coeurs, et un personnage en costume d'époque étreignant, avec un léger sourire, un objet non identifié lui aussi. Il s'agit là de chefs-d'oeuvre étonnants.


La chapelle segneurialecomprend un autre autel moderne, composé d'une statue de sainte Thérèse de Lisieux et de deux anges de grande taille. L'autel en remplace un autre, vendu semble-t-il par le curé du Fidelaire à Gouttières. Cet autel est éclairé par deux grandes verrières. Celle de gauche, datée du XVIe siècle, a été restaurée par le très productif atelier Duhamel-Marette, " à l'aide des deniers recueillis par la confrérie du Très Saint Rosaire", comme on peut le lire en bas du vitrail. L'oeuvre représente une donatrice en costume Renaissance, agenouillée aux pieds de la Vierge à l'Enfant, entourée de deux saints dont saint Éloi. La deuxième verrière, réalisée par l'atelier Duhamel-Marette, reprend de grandes thématiques de l'iconographie mariale comme l'Annonciation ou la Donation du Rosaire, avec la précision du dessin et la vivacité des couleurs qui caractérisent l'atelier ébroïcien.

UNE STRUCTURE PEU COURANTE

Structure

L'arrière de l'église témoigne de la structure peu courante de l'édifice.

La structure de l'edifice méritent quelques explications.

L'église Saint-Éloi est construite sur la base d'un plan en L, qui s'explique par la construction, au sud du choeur, de la grande chapelle segneuriale. Si la nef, éclairée par quatre baies, est construite en pierre calcaire sur solins de grès, la chapelle s'orne d'un damier en pierre et silex typique du XVIe siècle. Sur la travée orientale de la nef, le clocher, de forme pyramidale, a été restauré en 1980. Le toit à deux longs pans est couvert de tuiles.


Un peu plus loin, se trouve la sacristie en colombage, récemment restaurée elle aussi. Côté nord, la tourelle d'escalier, restaurée en 1992, donne accès au clocher. Au fond, on aperçoit le presbytère primitif en colombage, transformé en maison d'habitation. L'autre presbytère, construit à côté, un peu plus tard, abrite le centre de loisirs.

ORGANISATION DE L'INTÉRIEUR

À la lumière de ces précisions architecturales, on comprend mieux l'organisation de l'intérieur. On entre dans l'édifice, non par la jolie porte du XVIe siècle, mais à l'extrème ouest, par la nef, en passant sous un porche joliment restauré, avec son dallage ancien en pierre et silex. Le porche a la particularité de posséder deux ouvertures sur la nef séparéés par des contreforts. La nef est en un seul tenant, à volume unique, et il s'en dégage une impression d'austérité. Elle se compose de cinq travées dont trois sont couvertes d'une voûte lambrissée en berceau brisé. La charpente du clocher occupe les deux dernières travées, tandis qu'une petite porte, sur la gauche, permet d'accéder à la tourelle de l'escalier. Là-haut, une ouverture fermée par un carreau donne sur le choeur ; elle permettait au sonneur de cloches de suivre le déroulement de l'office afin d'actionner le mécanisme au moment opportun.

Derrière la charpente du clocher, s'étend le choeur, sur trois travées. Il est orné d'un maître-autel du XVIIIe siècle. Le tableau central représente l'Ascension. Auprès du Christ, se tiennent seulement deux apôtres, sur fond de paysage désertique.

Interieur

Le porche, précédé d'un dallage en pierre et en silex.

Choeur

À l'extrémité de l'église, le choeur et, à droite, la chapelle segneuriale du XVIe siecle.

Au-dessus du tableau, est sculpté le triangle trinitaire, au milieu d'une nuée et de quelques angelots. Dans les niches latérales, se tiennent saint Éloi et saint Pierre. Les colonnes à chapiteau corinthien sont cannelées. Au fond, une porte dessert la sacristie.


Enfin, la chapelle segneuriale du Rosaire, à trois travées, s'ouvre au sud. Elle est de dimensions importantes.Les poteaux situés à l'entrée ont été attaqués par la mérule, un champignon xylophage qui cause de gros dégatslorsqu'il s'infiltre dans les boiseries, à la faveur de l'humidité. Au Fidelaire, c'est la tempête de 1999 qui a contribué à propager la mérule. Atteints de l'intérieur, les poteaux sont restés intacts à l'exterieur. Ils ont donc été évidés et il n'y paraît plus rien.

LA STATUAIRE DE LA NEF

Quelques statues dans la nef sont remarquables, notamment un charmant groupe représentant l'Éducation de la Vierge ou une sainte Barbe un peu naïve. Cinq statues sont également classées. C'est le cas d'une vierge avec l'Enfant en pierre du XIVe siècle qui a été mutilée, ou encore d'une Vierge du calvaire en bois du XVe siècle. On trouve aussi un saint Vincent en pierre du XVe siècle, assez naïf. À l'entrée de l'église, se dresse un saint Michel en bois polychrome du XVIIIe siècle. On perçoit la force et le courage de l'archange dans sa lutte contre le démon. Enfin, saint Jacques le Majeur est représenté sous la forme d'une statue en bois polychrome du premier quart du XVIe siècle.


L'Église Saint-Éloi mérite que l'on s'y intéresse, d'autant que les éléments les plus remarquables sont visibles de l'extérieur. Il suffit de connaître leur existence pour consacrer un peu de temps à la découverte de l'édifice. Plusieurs campagnes de travaux ont été menées par la municipalité, notamment suite à l'attaque de la mérule. La commune a alors reçu une aide finacière importante de la part de l'association de Sauvegarde de l'Art Français. L'attention portée par nos lecteurs à cette église ne pourra qu'inciter la municipalité à poursuivre ses efforts.

Statue

Jolie Vierge à l'Enfant en pierre polychrome du XIVe siècle.

Date de dernière mise à jour : 04/08/2020

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